Lors du premier post sur la ventilator-induced diaphragmatic dysfunction, nous avons abordé sa définition.
Dans ce post, nous abordons d’un point de vue diaphragmatique ce qu’implique de “laisser” le patient respirer spontanément au cours du SDRA. Avec les dommages et bénéfices potentiels.
DOMMAGES LIÉS AUX EFFORTS RESPIRATOIRES DU PATIENT
LÉSIONS PULMONAIRES
L’objectif de ce post n’est pas de rentrer dans les détails des lésions pulmonaires qui résultent des efforts respiratoires du patient au cours du SDRA. C’est pour les prévenir que la ventilation protectrice a été développée.
Cette ventilation protectrice vise à protéger les poumons des forces excessives qui peuvent s’y appliquer. Soit par le ventilateur, on parle alors de barotraumatisme, soit par le patient lui-même et dans ce cas on parle de volotraumatisme.
L’activité des muscles respiratoires, et en premier lieu le diaphragme, sont à l’origine d’une augmentation du stress et de la tension (stress and strain) s’appliquant sur les poumons lésés.
À l’inspiration en produisant de larges variations de pression transpulmonaire en lien avec la perte de l’homogénéité pulmonaire et à l’expiration en favorisant le dérecrutement alvéolaire et en aggravant l’atelectraumatisme.
LÉSIONS DIAPHRAGMATIQUES
Dans ce cas les lésions sont induites par les charges excessives qui s’appliquent au diaphragme. Ces charges sont de 2 types et sont responsables de lésions structurelles, d’inflammation et de faiblesse musculaire.
CHARGE EXCENTRIQUE
- Lorsque les fibres musculaires diaphragmatiques s’allongent contre la charge.
- Cette charge excentrique est plus délétère que la charge concentrique.
- Cette contraction excentrique survient lorsque l’activation diaphragmatique persiste durant l’expiration pour ralentir la vidange pulmonaire. C’est le « expiratory breaking ».
- Elle peut survenir également en cas d’asynchronies patient – ventilation mécanique avec :
- Du « reverse triggering », c’est-à-dire qu’il y a un premier cycle de pressurisation qui est contrôlé par le ventilateur et qui est immédiatement suivi d’une contraction diaphragmatique qui déclenche alors un second cycle.
- Des efforts inefficaces, c’est-à-dire des efforts inspiratoires du patient non détectés par le ventilateur, généralement en lien avec une assistance trop importante.
CHARGE CONCENTRIQUE
- Lorsque les fibres musculaires diaphragmatiques se raccourcissent contre la charge.
- Cette charge survient lorsque la pression et le débit délivrés par le ventilateur sont inadéquats.
MÉCANISMES DES LÉSIONS DIAPHRAGMATIQUES
Comme nous l’avons dit ce sont les charges excentriques qui sont les plus dangereuses.
- L’inflammation aiguë des sarcolèmmes les rend plus fragile à la charge et entraine leur rupture.
- Cette rupture est responsable d’un œdème myofibrillaire qui entraine une dysfonction contractile.
BÉNÉFICES LIÉS AUX EFFORTS RESPIRATOIRES DU PATIENT
OXYGÉNATION ET HÉMODYNAMIQUE
Les contractions diaphragmatiques peuvent participer à améliorer l’oxygénation en recrutant les unités pulmonaires postéro-inférieures atélectasiées permettant ainsi de réduire le shunt pulmonaire.
Les efforts respiratoires spontanées peuvent également améliorer l’hémodynamique par la pression négative qu’ils déclenchent. Ils permettent alors une augmentation du retour veineux et donc du débit cardiaque.
De plus, cette pression négative pleurale permet également de réduire la postcharge ventriculaire droite.
PRÉVENTION DE L’ATROPHIE DIAPHRAGMATIQUE
Maintenir des efforts respiratoires pendant la ventilation mécanique peut prévenir l’atrophie diaphragmatique en atténuant la protéolyse musculaire et la faiblesse en découlant.
En limitant l’amyotrophie, le sevrage ventilatoire pourra être plus rapide.
RÉDUCTION DE LA SÉDATION ET MOBILISATION
Forcément, si l’on permet au patient d’avoir dans une certaine mesure des efforts respiratoires, la sédation pourra être allégée. La mobilisation sera facilitée lutant contre la polyneuromyopathie des soins intensifs tout en diminuant la survenue des délires.
CONCLUSION
On l’aura compris, protéger le diaphragme en adoptant une stratégie de titration de la ventilation et de la sédation est nécessaire.
L’étape suivante, que nous aborderons dans un prochain post, sera de pouvoir lier Lung-Protective Ventilation et Diaphragm-Protective Ventilation afin de limiter au maximum le stress et la tension s’appliquant aux poumons tout en optimisant les efforts diaphragmatiques et la synchronie patient – ventilateur.
RÉFÉRENCES
- Schepens, T. et al. Lung- and Diaphragm-protective Ventilation in ARDS. Anesthesiology 2019; 130:620-33
- Goligher, EC et al. Clinical strategies for implementing lung and diaphragm-protective ventilation: avoiding insufficient and excessive effort. Intensive Care Med.
- Thille, AW et al. Asynchronies patient – ventilateur. Méd. Intensive Réa (2018) 27:67-73